Le problème nord-irlandais est très sensible. Il éveille des comportements souvent plus émotifs que raisonnés. Aujourd'hui, les protestants, unionistes et loyalistes, se sentent totalement isolés et abandonnés. Ils se vivent trahis par Londres, assiégés, et nous devons les faire changer de sentiment. Pour cela, les Irlandais doivent réaliser qu'il ne pourra exister de paix durable sans le respect de l'autre. Sans aussi, et c'est l'une des clefs du processus en cours, le droit aux deux communautés de revendiquer et d'exercer leur propre culture.Ainsi, même si je sais ce que ressent un nationaliste qui entend les tambours dans sa rue, je pense qu'on pourrait librement laisser les orangistes parader où bon leur semble. En contrepartie, ils devraient transformer leurs marches en quelque chose de plus festif, un carnaval plus culturel et poétique que politique. En tout cas, il ne faut pas les isoler car le danger naît de cette mise à l'écart.
Dans cet esprit, en 1998, à Belfast, il y a eu un grand concert pour la paix. J'ai demandé à David Trimble, chef unioniste (protestant) et à John Hume, responsable nationaliste (catholique), de me rejoindre sur scène. En coulisse, ils étaient très nerveux. Je leur ai dit: «Je vais vous demander une chose incroyablement difficile pour des politiciens, quelque chose d'impossible.» Ils me regardaient un peu effrayés. «Je vais vous demander de ne rien dire. Rien. Parce que ce sera une image, pas une tribune.»
L'un est entré par la gauche, l'autre