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Libération

Tazmamart pour mémoire

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Samedi, 600 Marocains se sont recueillis devant l'ancien bagne.
publié le 9 octobre 2000 à 5h10

Tazmamart envoyé spécial

Au fond d'une plaine désertique, entourée de montagnes sculptées par le vent, se détache la courtine d'un bastion muré, avec quatre miradors aux coins. Sur la droite, lové dans un oued asséché dont seuls quelques arbres trahissent l'existence, s'étale le village ­ une centaine de maisons en torchis ­ qui a donné son nom au bagne de Tazmamart. Tout en haut d'une colline, les lettres en pierres blanchies à la chaux ont été effacées, mais on devine toujours la devise du Maroc: «Allah, al-Watan, al-Malik», Dieu, la Patrie, le Roi. Samedi, en fin d'après-midi, les rescapés et leurs parents, les familles des morts et à peu près tout ce que le royaume compte d'anciens prisonniers politiques se sont rassemblés ici pour exorciser un passé de répression despotique (Libération du 5 octobre).

Ils étaient plus de six cents, venus de partout, certains même de l'étranger, comme Malika et Raouf Oufkir, deux des enfants du général félon, eux-mêmes pendant dix-huit ans prisonniers du «jardin secret» de Hassan II, pour expier le coup d'Etat de leur père en 1972. Dans la lumière rasante du soir, le camaïeu ocre embrasé par les derniers rayons de soleil, ils ont avancé dans la caillasse derrière des banderoles exigeant «le jugement des tortionnaires», la restitution des corps d'une trentaine de victimes, enterrées à la sauvette dans la cour du bagne. «Où sont les enfants du peuple qui ont disparu? Voilà les vivants qui viennent vous demander des comptes, ont-ils crié. Gard