Nazran envoyée spéciale
A la sortie du gros bourg ingouche de Sleptsovskaïa, l'asphalte s'arrête soudainement, laissant la place à un mauvais chemin caillouteux et raviné. «Stop, on tire», proclame un panneau dressé devant un poste de contrôle ceint de barbelés et flanqué de sacs de sable où deux soldats contrôlent les voyageurs. «Simple routine. C'est la zone frontalière», disent-ils en pointant dans le lointain les monts au-delà desquels commence la Tchétchénie. Quatre kilomètres plus loin, après une série de virages entre les collines pelées où paissent des vaches, une image surgit du brouillard: celle d'une longue composition de wagons à l'arrêt sur une unique voie ferrée, un train qui ne va nulle part mais autour duquel grouille un petit monde d'hommes et d'adolescents désoeuvrés, d'enfants inquiets et de femmes affairées. «Tout le monde nous a abandonnés», murmure une femme en serrant contre elle quatre enfants en bas âge.
Ce train, c'est presque une ville. Quatre mille réfugiés de Tchétchénie y vivent dans des conditions insalubres: mouches, cafards, relents de souillure et de nourriture ajoutent leur lot d'horreur à la promiscuité des compartiments que l'on ne peut fermer. Beaucoup y ont déjà passé un hiver, la plupart du temps sans chauffage, car les installations de ces wagons au rebut n'ont pas tenu le choc. Pour beaucoup d'autres, l'arrivée dans le train est une nouvelle étape dans leur déchéance. C'est le dernier refuge de Ramzan, un jeune garçon malingre d'une vi