Gaza envoyé spécial
La journée était assez mal engagée. Comme chaque matin, depuis près d'un mois, une nuée d'écoliers palestiniens jouaient de la fronde face aux casemates bétonnées de l'armée israélienne. Volées de cailloux contre salves de fusils, lutte inégale ponctuée par le hurlement des sirènes. Vers midi, hier, les brancardiers du Croissant-Rouge avaient déjà ramassé plusieurs dizaines de blessés, dont quatre très sérieusement touchés à la tête par les lourdes billes d'acier, à peine recouverte d'une pellicule de plastique noir, improprement appelées «balles en caoutchouc». Jonché de débris en tous genres, le carrefour séparant le camp de réfugiés de Deir Al Balah de la colonie juive de Kfar Darom disparaissait sous les fumées mêlées des grenades lacrymogènes et des pneus enflammés. Rien ne semblait pouvoir juguler la colère des jeunes émeutiers pestant contre le compromis signé la veille à Charm el-Cheikh par Yasser Arafat.
Chemins de traverse. Sous la tonnelle ombragée de leur poste, des policiers palestiniens débonnaires assistent à la scène. Impassibles. «Nos ordres sont d'éviter la confrontation avec les soldats israéliens, explique le major Abou Tamer, patron du commissariat local, pour le reste, comment pourrions nous interdire au peuple d'exprimer sa colère quand l'occupant tire sur nos enfants?» Ses hommes se contentent d'interdire aux voitures l'accès du champ de bataille, aiguillant la circulation vers des chemins de traverse, ouvrant la voie aux ambulances.