Abidjan de notre correspondante
Puisqu'il est burkinabé et souhaite garder l'anonymat, appelons-le monsieur Ouédraogo, c'est-à-dire Dupont au Burkina Faso, pays frontalier au nord de la Côte-d'Ivoire. Homme d'affaires reconnu à Abidjan, il personnifie la réussite de la plus importante communauté étrangère vivant sur le sol ivoirien. Mais aujourd'hui, il n'ose plus s'en glorifier publiquement. «La Côte-d'Ivoire m'a accueilli et m'a permis de devenir ce que je suis. Mes enfants sont nés ici et je pourrais avoir la nationalité ivoirienne. Mais à présent, on vous dit que si vous êtes si compétents, vous n'avez qu'à rentrer chez vous. Les Ivoiriens ne mettent pas nos succès sur le compte de l'effort, et ils voudraient récupérer nos biens sans se fatiguer.»
Intégration exemplaire. Pourtant, l'histoire de ce patron respecté, et qui ne se sent pas personnellement menacé, commence avec son frère dans les bâtiments de l'Office de la main-d'oeuvre d'une ville au nord du pays. Une sorte de grand marché où les planteurs viennent faire le plein de jeunes Sahéliens pour défricher la brousse et récolter le cacao ou le café. Avec sa première paie, Ouédraogo achète un billet pour Abidjan. Trente ans plus tard, il est l'un des premiers dans son secteur. Un parcours d'intégration exemplaire mais peu représentatif d'une communauté vouée aux emplois subalternes. Les Burkinabè (la moitié des 4 millions d'étrangers vivant dans le pays, qui compte 15 millions d'habitants) forment le gros des troupes d