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Libération
Enquête

Le «j'accuse» de Nesroulah Yous.

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Qui a tué à Bentalha? Les islamistes, affirme l'Etat. L'armée, témoigne ce rescapé. Dans son livre-récit, il décrit une population prise en étau durant six ans entre forces de sécuritéet groupes terroristes.
publié le 25 octobre 2000 à 5h44

Nesroulah n'en doute pas: un jour, «on saura». Sans cette certitude, les deux ans et demi d'exil en France de ce «survivant» n'auraient aucun sens. Quand, en février 1998, cet immense gaillard efflanqué au visage émacié quitte Bentalha, l'une des trois bourgades martyres aux portes d'Alger, avec Raïs et Beni Messous, il est blessé à la jambe. Ses fortes fièvres persistent des mois. «Je me laissais aller. Mais je voulais aussi comprendre.»

Alors il s'oblige à mettre noir sur blanc «les bizarreries accumulées avant, pendant et après» cette nuit d'effroi du 22 septembre 1997, à l'issue de laquelle on retrouvera 417 corps suppliciés et plus de 100 blessés. Pour «Nes», le retour à Paris sur ses six ans de vie à Bentalha aura été chaotique: pour «ne pas exploser», il s'évade dans la peinture de calligraphies, avec laquelle il compte désormais gagner sa vie. Au bout du tunnel, son livre, Qui a tué à Bentalha? (1), est beaucoup plus que le récit ­ insoutenable ­ de cette barbarie. C'est le premier document sur la sale guerre imposée pendant des années aux habitants des cités périphériques d'Alger, martyrisés par les forces de l'ordre et les groupes armés islamistes, punis pour un ras-le-bol et une misère qui les avaient amenés à voter pour les islamistes du FIS six ans auparavant. Le récit d'un monde ignoré, puisque nul ne s'y aventurait. L'histoire d'une bourgade où l'on voit vivre ­ et mourir ­ des êtres ayant un nom, un visage, un passé qui font d'eux, pour une fois, autre chose q