Bogota envoyée spéciale
Ce soir-là, des amis s'étaient réunis pour regarder ensemble le débat télévisé opposant les deux favoris à la mairie de Bogota, Antanas Mockus et Maria-Emma Mejìa. Urbanistes, journalistes, universitaires, ils avaient soutenu activement le premier engagement de Mockus lors des municipales de 1994. Puis s'en étaient détachés. «Trop idéaliste», disait l'un. «Les gens ne lui pardonnent pas d'avoir lâché la mairie», rétorquait l'autre. En 1998, alors qu'il n'avait pas terminé son mandat, Mockus avait abandonné ses administrés pour participer à la présidentielle, suscitant beaucoup d'amertume. Le débat a commencé: Mockus, le visage brillant sous ses lunettes métalliques, filmé de profil par une caméra visiblement obnubilée par la belle Maria-Emma, n'est pas à son mieux. Ex-ministre, ex-ambassadeur, Mejìa est conforme à sa réputation d'efficacité et d'intelligence mais tout, dans ses manières, fleure cet ordre social figé dont est exclue une grande partie des Colombiens. Au bout d'une heure, les jeux sont faits : face à elle, le fils d'immigré lituanien a l'air formidablement sincère. On ne retiendra pas grand-chose des propositions des deux candidats pour améliorer la vie des huit millions de Colombiens qui s'entassent dans l'une des villes les plus violentes du monde. «Il a été le meilleur parce qu'il est différent», commente un de ceux qui, plus tôt, parlait de «désamour».
Guérilla. Quelque vingt millions de Colombiens ont voté hier pour élire leurs maires