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Libération

Côte-d'Ivoire: «J'avais le visage en sang, j'ai fait le mort...»

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Témoignages de deux rescapés du charnier de Yopougon, découvert vendredi.
publié le 30 octobre 2000 à 5h55

Abidjan envoyé spécial

«Je devais mourir. Comme les autres.» Youssouf a la tête couverte de pansements, des éraflures de balles au bas-ventre, à l¹épaule, et à la cuisse. Originaire de Guinée-Konakry, il vend des pièces détachées de voitures à Banco, dans le quartier d¹Abobo, au nord de la ville. Il raconte: «Il était 9 heures ce jeudi. J¹étais devant ma cour. Deux gendarmes sont arrivés et m¹ont demandé mes papiers, puis de les suivre. Je me suis retrouvé avec un autre Dioula (ethnie du nord du pays, dont est issu Ouattara, ndlr). D¹habitude, je donne un bakchich, mais là, ça n¹a pas suffi.»

On le conduit, dit-il, au «Camp commando», un poste de «gendarmerie d¹Abobo». Puis «sur place, on nous déshabille, on nous dit: ³Ouattara vous a payés pour descendre dans la rue, on va vous descendre. Vous êtes musulmans? Priez donc!²». Il souffle : «Vers 16 heures, on était une cinquantaine, on nous a arrosés d¹eau sale, frappés avec des chaînes, des morceaux de bois.» Le tournant se produit quand un «responsable arrive et hurle: ³deux gendarmes ont été tués, vous allez y passer². Il sort son arme et tire». Dans la foulée, se souvient-il, «trois hommes lâchent des rafales de mitraillette. On a hurlé. En cinq minutes, il y avait du sang partout». Youssouf poursuit: «J¹avais le visage en sang, j¹ai fait le mort. D¹autres Dioulas venaient d¹arriver, ils nous ont chargés à bord, j¹avais des corps sur moi.»

Blessés achevés. Dans le convoi, il ne voit «rien». Quand les corps sont déchargés, il