Moscou envoyé spécial
Le 20 septembre au soir, Poutine, un bouquet à la main et son épouse Lioudmila au bras, se présentait à la porte de la résidence de Natalia et Alexandre Soljenitsyne, à une trentaine de kilomètres de Moscou. Les deux couples dînèrent ensemble, après quoi l'ex-officier du KGB devenu président et l'ex-dissident revenu au pays passèrent dans la bibliothèque et causèrent. Trois heures plus tard, le Président et son épouse quittaient les lieux, une télévision d'Etat étant là pour glaner des images muettes de cette rencontre que d'aucuns croyaient impensable.
«Je ne servirai aucun régime. On ne fera jamais de moi un Gorki», déclarait l'écrivain qui, ayant recouvré sa nationalité russe et mis fin à son exil (près de vingt ans), rentra au pays par l'est, par Vladivostok et Magadan, principal centre de transit naguère pour les terribles camps de Kolyma. C'est en 1974 que Soljenitsyne avait été expulsé d'URSS; l'année suivante, le jeune Poutine entrait au KGB.
Figure emblématique. A l'instar de Lénine, Poutine a-t-il trouvé son Gorki en Soljenitsyne? Certains émettent cette hypothèse rêveuse. Dans ce qui fut le milieu naturel de Soljenitsyne, celui de la dissidence et des zeks (détenus politiques) du Goulag, beaucoup, un mois après, étaient encore sous le choc. Mais répugnaient à en parler au nom de la figure emblématique passée de Soljenitsyne, l'homme qui ébranla le régime soviétique. «Il est invraisemblable que Soljenitsyne ait accepté une chose pareille», s'excl