Stockholm de notre correspondant
Le rendez-vous est immuable. Au volant de sa Volvo noire banalisée, l'inspecteur Karl Holms vient se poster en haut de la rue Malmskillnad, l'ultime périmètre des dernières prostituées de Stockholm qui persistent à racoler dans la rue. Les fleurs de macadam n'ont rien à redouter de l'inspecteur, ce sont leurs clients qu'il guette. Depuis le 29 mars 1998, en effet, une loi réprime en Suède l'achat de services sexuels. L'offre, elle, n'est pas proscrite. Ce paradoxe ne gêne pas l'inspecteur Holms: «Je n'ai pas de sympathie particulière pour les types qui vont voir les prostituées. Ils utilisent la détresse de ces filles.»
Comble de l'hypocrisie qui consisterait à nettoyer les rues en supprimant la demande? La Suède, il est vrai, est fière de ses artères, si propres par ailleurs. Mais pas seulement: au-delà de la traditionnelle répression du proxénétisme qui a cours ici comme ailleurs en Europe, les autorités suédoises ont décidé d'ouvrir une nouvelle voie dans la lutte contre la prostitution. La mesure, qui a provoqué des débats houleux avant son adoption, figurait dans le cadre plus général d'une loi-cadre baptisée «Kvinnofrid» (paix des femmes) qui s'attaque à toutes les violences faites aux femmes, des mauvais traitements à la traite en passant par l'excision et le harcèlement.
«Une question de pouvoir et d'égalité»
«Il s'agit d'une loi féministe, revendiquait alors Inger Segerström, députée, présidente de la Fédération des femmes sociales-démoc