Tokyo de notre correspondant
«Je revois encore l'affiche. Chaque bordel arborait, à l'entrée, les instructions du haut commandement: "Interdiction aux soldats de rester plus d'une demi-heure avec une fille, obligation de dénoncer les récalcitrantes"...» Alors que s'ouvrait, vendredi à Tokyo, un tribunal symbolique inédit, organisé par plusieurs associations de «femmes de réconfort» pour juger les crimes sexuels de l'armée impériale japonaise, le Dr Ken Yuasa, 84 ans, égrène les détails accablants. Ancien lieutenant des services de santé, ce chirurgien retraité, aujourd'hui repenti, raconte ce qu'il a vécu dans la province chinoise du Shanxi, où stationna la 36e division d'infanterie nippone de 1938 à 1945. Il se souvient de Coréennes, évanouies d'épuisement. Il garde en mémoire le visage de l'une d'elles, morte après avoir subi les assauts de 40 soldats. «Beaucoup furent traitées comme du bétail.»
Moment de vérité. Le Dr Yuasa ne compte pas parmi les témoins appelés à ce tribunal, sans valeur juridique, mais à très forte valeur historique. Du 8 au 12 décembre, deux anciens officiers japonais et 66 ex-pensionnaires des bordels militaires y répéteront ce que beaucoup de Japonais refusent encore d'accepter. Coréennes, Chinoises, Philippines ou Indonésiennes, toutes raconteront comment elles furent enlevées, violées, puis réduites en esclavage par les troupes impériales qui occupaient alors leurs pays. Le jugement sera rendu par un panel de six magistrats, dont l'Américaine Gabrie