Abidjan envoyée spéciale
«Non, non vraiment je ne sais pas, je ne me souviens plus... Quand ils se sont jetés sur moi de toute façon, je me suis évanouie», souligne doucement Babia (1). Elle a 18 ans, une silhouette fragile et de grands yeux graves. Elle affirme qu'elle ne sait pas si elle a été réellement violée. Mais se souvient qu'ils se bousculaient autour d'elle. Ceux qui l'ont jetée à terre et qui l'insultaient. «Des gendarmes, assure-t-elle, et aussi quelques civils, qui se trouvaient là. Ils m'ont battue et j'ai fermé les yeux, je ne sais pas ce qui s'est passé après», répète-t-elle avec un geste vague.
Derrière cette pudeur, son angoisse est pourtant palpable. Elle hoche la tête avec empressement quand on lui propose de faire un test de grossesse. «On va aussi vérifier le sida», ordonne Mme Komara. Forte silhouette de matrone africaine, vêtue d'un boubou rose, cette assistante sociale ne ménage pas sa peine pour aider les victimes de la répression qui a entouré les législatives du 10 décembre. Chaque jour, elle sillonne Abidjan, recense les blessés et devine aussi ce qu'on ne veut pas toujours dire.
Tondues. Assise aux côtés de Babia, Fatoumata est pourtant plus prolixe. «Oui, ils nous ont violées! C'étaient les jeunes policiers et les gendarmes. Ils nous ont enfoncé des objets dans le corps! Nous étions nues, là, au milieu de tous les hommes, les détenus et les policiers. Les gendarmes voulaient qu'on écarte les jambes. Ils nous obligeaient à mimer des choses sexuelle