Asmara envoyé spécial
Tapie dans la pénombre de l'atelier, la grosse Ansaldo luit avec insistance. Des lettres rouges peintes avec application se détachent sur le ventre noir de la chaudière : Erythrean Railways. Dans une fosse, sous l'énorme locomotive, deux hommes en bleu de chauffe soudent une dernière pièce au chalumeau. A l'heure de la pause, Gueresguiher Cardelli et Mebrahtu Kidane, respectivement 81 et 83 ans, émergent avec souplesse, le visage couvert de suie.
L'Ansaldo, un rutilant modèle 1925, Gueresguiher et Mebrahtu ont à peu près le même âge. Depuis un quart de siècle, le temps s'est arrêté pour eux, lorsque le dernier train est entré en gare d'Asmara. La loco a rouillé sur une voie de garage envahie par les herbes folles, les deux cheminots ont pris leur retraite dans leurs maisonnettes à deux pas des voies ferrées, couvant la locomotive d'un oeil d'amoureux transis. Et puis, un jour de 1994, on leur a demandé s'ils voulaient remettre en état la ferrovia, la mythique ligne de chemin de fer construite par les Italiens entre 1887 et 1911 et qui relie Asmara, la capitale, à Massawa, le principal port de la mer Rouge (1) : 117 kilomètres, 2 400 mètres de dénivelés, 30 tunnels, 64 ponts et viaducs. Comme eux, une cinquantaine de «vétérans» ont répondu à l'appel du jeune Etat érythréen indépendant. La plupart vivaient là, juste à côté, d'autres sont revenus d'Allemagne, des Etats-Unis ou d'Arabie Saoudite...
Cinq locomotives restaurées
Gueresguiher Cardelli est né de pèr