Lisbonne envoyé spécial
«Je prends jusqu'à 15 cafés par jour. Sinon, je ne sais pas si je pourrais tenir.» Cerclés de lunettes mal ajustées, ses yeux vous fixent avec une intensité qui semble vouloir conjurer une fatigue trop lourde et trop ancienne. Ce jour-là, une fois n'est pas coutume, Manuel Medeiros, bientôt 30 ans, consent à marquer une pause pour conter sa vie de marathonien. Sa journée de travail commence aux aurores dans le quartier très chic d'Almoreiras, où il assure le lavage de vitres d'immeubles de bureaux pour le compte d'une société prestataire de services. A 11 heures, Manuel fonce vers le centre de Lisbonne, où il enfile l'uniforme de serveur dans un petit restaurant.
En fin d'après-midi, les deux heures de pause que lui accorde son patron sont mises à profit pour faire «des petits travaux d'électricité» chez des clients du quartier. Il reviendra ensuite au bar, qu'il quittera vers 22 heures. Le week-end n'a rien d'une sinécure: ses dimanches sont entièrement consacrés à des travaux de peinture au noir chez des particuliers. En incluant le RMI de sa femme (800 francs), les allocations familiales (300 francs), ses revenus mensuels atteignent 5 300 francs les bons mois. Manuel Medeiros ignore les sorties, les restaurants, les vacances et n'est jamais sorti du Portugal.
Deux activités. «Mon seul bonheur, c'est d'acheter des vidéos de dessins animés à mes deux enfants, de 7 et de 2 ans. Ce Noël, après des mois de sacrifices, on a réussi à inviter 30 personnes che