A Lakhadaria, tout le monde connaît la Villa Copawi, grosse bâtisse coloniale au bord de l'autoroute n° 5, la seule qui relie l'est du pays à Alger. La Villa est là depuis toujours, «c'est-à-dire depuis le temps des Français». Quand les militaires du 25e régiment des troupes d'élite algériennes y ont établi leur QG en 1993, le lieutenant Habib Souaïdia est l'un des trois officiers à la tête de la centaine d'hommes. Entré dans l'armée «par pur esprit patriotique», il est tout sauf un dissident. «J'avais 24 ans à l'époque et je venais faire mon devoir: combattre les islamistes. On était là pour sauver la nation algérienne. Je voyais l'affaire réglée en deux ou trois ans, pas plus.» Dans la Villa Copawi, cela va être «la descente aux enfers», une manière d'Apocalypse Now à l'algérienne.
Tabou absolu. Huit ans plus tard, réfugié politique en France, l'ex-officier Souaïdia publie la Sale guerre (1), qui paraît aujourd'hui à Paris. Ainsi, pour la première fois, un militaire algérien de terrain témoigne en détail sur ce conflit qui a fait plus de 150000 morts, 30000 disparus depuis 1992, mais aussi, et peut-être surtout, décrit le fonctionnement interne de l'armée. Sur cette citadelle secrète, tabou absolu pour tous les Algériens, le livre de Souaïdia fonctionne comme une poupée russe, à plusieurs niveaux.
Il y a d'abord, les «révélations», la première chronique sur cette guerre qu'on a souvent dite sans image. Désormais, elle commence à avoir des mots, un début d'alphabet en tout ca