Bangkok de notre correspondant
Villageois brûlés vifs, têtes coupées fichées sur des barrages routiers, machettes et épieux brandis à bout de bras: images ressassées, banalisées dans leur horreur, d'une violence devenue routinière en Indonésie. Depuis deux jours, c'est le Kalimantan, la partie indonésienne de l'île de Bornéo qui est le théâtre d'affrontements d'une extrême violence entre chrétiens dayaks et musulmans madurais: 75 morts, peut-être 100, des milliers de villageois madurais qui se réfugient dans les commissariats où s'entassent dans les bateaux pour fuir la mort.
A Kalimantan comme aux Moluques, une simple altercation suffit pour allumer ces flambées de violence. L'Ordre nouveau, le régime de Suharto qui est resté trente-deux ans à la tête de l'archipel avant d'être forcé à la démission par des manifestations d'étudiants en mai 1998, a semé les graines de ces conflits. En déplaçant les populations des zones surpeuplées (comme l'île de Madura) vers des espaces moins occupés (comme le Kalimantan), Suharto a créé des haines qui ont brutalement explosé après avoir été étouffées pendant des décennies.
S'y ajoute le fait que le régime de Suharto a inscrit dans la tête des Indonésiens l'idée que la force était le seul moyen de résoudre un problème. Il en a résulté une fascination de la violence, qu'on retrouve aussi bien chez les coupeurs de têtes de Bornéo que chez les petits commerçants de Djakarta battant à mort un voleur de bicyclette.
Transition douloureuse. Pour auta