Vous avez indiqué que vous ne voteriez pas en l'état actuel le traité de Nice. Pour quelles raisons?
Parce que l'Europe décidée à Nice s'éloigne de notre idéal. Au fond de la question européenne, il y a deux interrogations: veut-on que l'Europe soit une puissance du XXIe siècle, et veut-on qu'elle soit une démocratie, où le citoyen ordinaire comprendrait et, au bout du compte, déciderait? Puissance, démocratie? A Nice, on a dit non aux deux enjeux.
Les puissances du siècle qui vient, on les connaît ou on les devine: les Etats-Unis, puissance maximale, la Chine, l'Inde, les Etats pétroliers pendant cinquante années au moins, et les grandes puissances financières de la planète. Dans cette liste, il n'y a qu'une seule interrogation: l'Europe en fera-t-elle partie, ou pas? Or, à Nice, ce n'est pas une puissance que l'on a décidé de construire, c'est une impuissance, une espèce de forum intergouvernemental, avec des intérêts nationaux à courte vue comme principal horizon. Et forcément, l'incapacité de décider, les blocages multipliés. Et cela, dans une Europe réduite dans ses ambitions. Songez qu'on a signé, à Nice, que l'Europe de la défense serait exclue des coopérations renforcées! Ajoutons, pour les amoureux de l'intérêt national, qu'une double erreur de négociation a fait que nous avons ramassé la balle dans la figure. Nous nous sommes mis à dos beaucoup d'Etats européens en voulant de force les marginaliser en tant que «petits», et ils se sont vengés en exigeant que la France