Kaboul envoyé spécial
La Cour suprême des taliban est sise dans un bâtiment de style soviétique, en brique et en béton. Les deux qazis (juges) qui nous reçoivent avec du thé, des bonbons et des petits gâteaux sont des sommités en matière de charia et de jurisprudence islamique. Ce sont eux qui tranchent, en dernier recours, les affaires de meurtre, de vol, d'adultère et autres crimes, décidant des châtiments conformes : prison, lapidations, amputations, flagellations, exécutions... Le feu vert ultime est toutefois donné par le mollah Omar, autoproclamé émir de l'Afghanistan, qui siège à Kandahar, à deux jours de voiture de Kaboul. Notre guide officiel (obligatoire pour les journalistes étrangers) ne cache pas en présence des augustes qazis, qui approuvent, son admiration pour le mollah suprême : «Jamais nous n'avons eu de leader comme le mollah Omar, et jamais nous n'en aurons de semblable.»
Sentence exécutée. Les juges daignent ouvrir leurs derniers dossiers. Vêtu d'un veston occidental enfilé par-dessus son shalwar-kamiz, le costume traditionnel, Ubaidullah Hamidee caresse sa barbe blanche en compulsant les minutes d'un jugement rendu il y a quatre mois. Voilà l'affaire : un homme, nommé Sardar Khan, avait la mauvaise habitude de battre son père à coups de bâton. Un jour, celui-ci se rebella et vint se plaindre à la police. Les fonctionnaires arrêtèrent Sardar Khan, tentèrent de le raisonner, puis le relâchèrent au bout de deux heures. Furieux au-delà de toute raison, Sardar