Sampit (île de Bornéo) envoyé spécial
Une foule de paysans s'agglutinent devant le Teluk Banten, un navire de guerre rouillé qui vient d'accoster au port de Sampit. Ils sont 3 000 Madurais, venus des coins les plus reculés du centre du Kalimantan, chassés par la peur des Dayaks qui continuent à marauder dans les forêts. Les policiers hurlent en tentant de canaliser ce flot hagard vers l'embarcadère: «Restez en ligne!... un par un!» Une bonne partie est pieds nus, portant des ballots de vêtements sur la tête, serrant une bouteille ou un parapluie. Un homme trempé par la pluie porte une vieille femme sur son dos. Même les prisonniers madurais de Sampit sont évacués.
Vengeance. Un peu plus loin, les Dayaks observent cet exode. Ils ont gagné: après deux semaines de massacres, le centre du Kalimantan se vide de ces immigrants, jamais véritablement intégrés malgré des décennies de résidence. A 500 mètres, la vaste enceinte du bureau du district de Sampit a été transformée en camp de réfugiés. Environ 25 000 Madurais y campent depuis dix jours dans des conditions épouvantables. Des familles entières passent leur journée sur des paillasses dans une odeur d'urine. Des jeunes femmes en soutien-gorge et sarong somnolent dans les somptueux fauteuils de velours rouge ordinairement destinés aux parlementaires. Tous attendent d'embarquer sur l'un des ferries qui font la navette pour évacuer les Madurais à Surabaya, le chef lieu de Java-Est.
Ces réfugiés, encore hébétés par les violences de ce