Buenos Aires
de notre correspondante
La lettre est manuscrite. «Ce n'est que maintenant que je commence à oser... ressentir. Je voudrais trouver des mots pour tant de choses. Je veux penser à toute la tendresse, celle du passé et celle de maintenant, non à la violence. Je voudrais être capable de plus pour mes parents qui ont été capables de tout.» Le 5 novembre, Claudia, envoie ces mots à son oncle, qu'elle ne connaît que depuis quelques mois. En février 2000, suite à une plainte des grands-mères de la Place de mai, un juge lui a annoncé qu'elle s'appelait Claudia Victoria Poblete, fille de Gertrude Hlaczik et de José Poblete, militants péronistes «disparus» sous la dictature (1976-1983). Le colonel Ceferino Landa et sa femme qui l'avaient illégalement adoptée sont aussitôt mis aux arrêts. Et en novembre, deux ex-policiers sont incarcérés, accusés d'avoir torturé ses parents biologiques.
Militant et handicapé. «L'affaire Poblete» est à l'origine de la décision historique d'un juge argentin, saisi d'une plainte pour enlèvement d'enfant (en l'occurrence Claudia), d'abroger les lois d'amnistie bénéficiant aux militaires argentins. Le 6 mars dernier, le juge fédéral Gabriel Cavallo a déclaré «inconstitutionnels, invalidés et nuls» les deux textes de 1986 et 1987 permettant à quelque 1 200 militaires d'échapper à des poursuites.
Fernando, le frère de José, a raconté à Claudia l'histoire de ses parents: l'adolescence de son père au Chili, militant dès le collège, l'accident de train