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Libération
Interview

«On découvre que des victimes ont aussi été des bourreaux».

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Le vice-président du Comité international d'Auschwitz:
publié le 14 mars 2001 à 0h02

Stefan Wilkanowicz, intellectuel catholique polonais, est le vice-président du Comité international qui gère les anciens camps ­ devenus musée ­ d'Auschwitz-Birkenau, près de Cracovie. Impliqué dans le dialogue judéo-polonais, il a pris part aux discussions autour du massacre de Jedwabne. De passage à Paris, il a expliqué à Libération en quoi cette affaire révèle certains déblocages polonais.

Y a-t-il encore des choses à éclaircir dans cette affaire ?

Une chose est sûre: ce sont des Polonais qui ont massacré les juifs de Jedwabne. Certes, il reste des choses à éclaircir, notamment le rôle des Allemands: ont-ils ordonné, voire dirigé le massacre ou se sont-ils contentés de suivre? L'Institut national de la mémoire a entamé une enquête. Aux historiens de faire leur travail. Mais cela ne changera rien à l'essentiel: ce sont des habitants de Jedwabne qui ont perpétré ce crime.

Pourquoi est-ce tellement difficile pour les Polonais de le reconnaître?

Nous sommes habitués à être des victimes dans cette guerre. Or, on découvre que des victimes ont aussi été des bourreaux. Cela a créé un choc dans l'opinion. Car cela met à mal l'image de la nation polonaise héroïque persécutée qui luttait contre les Allemands. La réalité se révèle plus complexe et on commence à le réaliser. Jusqu'ici, on ne voyait que les héros ou les victimes. Mais la guerre avait aussi provoqué une destruction morale de la société. Or le péché des bourreaux ­ je parle ici des nazis et du NKVD (police politique soviétique) ­ a rejailli sur les victimes.

Comment a-t-on pu «oublier» ce massacre, disparu de l'histoire officielle?

C'est effectivement un peu étrange. Le massacre a été mentionné dans des documents, il y a eu un