Stefan Wilkanowicz, intellectuel catholique polonais, est le vice-président du Comité international qui gère les anciens camps devenus musée d'Auschwitz-Birkenau, près de Cracovie. Impliqué dans le dialogue judéo-polonais, il a pris part aux discussions autour du massacre de Jedwabne. De passage à Paris, il a expliqué à Libération en quoi cette affaire révèle certains déblocages polonais.
Y a-t-il encore des choses à éclaircir dans cette affaire ?
Une chose est sûre: ce sont des Polonais qui ont massacré les juifs de Jedwabne. Certes, il reste des choses à éclaircir, notamment le rôle des Allemands: ont-ils ordonné, voire dirigé le massacre ou se sont-ils contentés de suivre? L'Institut national de la mémoire a entamé une enquête. Aux historiens de faire leur travail. Mais cela ne changera rien à l'essentiel: ce sont des habitants de Jedwabne qui ont perpétré ce crime.
Pourquoi est-ce tellement difficile pour les Polonais de le reconnaître?
Nous sommes habitués à être des victimes dans cette guerre. Or, on découvre que des victimes ont aussi été des bourreaux. Cela a créé un choc dans l'opinion. Car cela met à mal l'image de la nation polonaise héroïque persécutée qui luttait contre les Allemands. La réalité se révèle plus complexe et on commence à le réaliser. Jusqu'ici, on ne voyait que les héros ou les victimes. Mais la guerre avait aussi provoqué une destruction morale de la société. Or le péché des bourreaux je parle ici des nazis et du NKVD (police politique soviétique) a rejailli sur les victimes.
Comment a-t-on pu «oublier» ce massacre, disparu de l'histoire officielle?
C'est effectivement un peu étrange. Le massacre a été mentionné dans des documents, il y a eu un