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Libération
Portrait

Franc-tireur.

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Habib Souaïdia, 32 ans, ex-officier algérien, témoigne à visage découvert contre cette armée qui a fait de lui un monstre.
publié le 11 avril 2001 à 0h27

Il est là, sous la pluie de Paris, cherchant encore une cigarette dans son blouson. Quelle heure? Mots comptés pièce à pièce, comme on économise son souffle. Vêtements toujours les mêmes, de mois en mois, mais soignés avec cette parcimonie qui s'acquiert dans les casernes ou les prisons. Sa seule coquetterie brille à sa ceinture, un aigle qui s'envole sur une boucle dorée. Juste le temps de rentrer au foyer de sans-abri. Plusieurs fois, des copains lui ont trouvé un toit. Mais il est toujours revenu, là. «Pour moi, c'est acceptable», dit Habib Souaïdia. ça le rassurerait même, ces dortoirs d'hommes perdus. Ici seulement, dans cette intimité brutale, Habib se sent chez lui. Ancien officier, Souaïdia servit dans cette guerre qui, en Algérie, fit déjà plus de 150 000 morts depuis 1992. Arrêté pour un vol qu'il nie, il passa quatre ans à la prison de Blida.

A Paris, Souaïdia arrive l'an dernier avec un visa de contrebande. Il fait le tour des journaux. Et raconte des heures durant les horreurs de l'armée, les razzias dans un pays à genoux, une sorte d'Apocalypse Now à l'algérienne. C'est la première fois qu'un soldat témoigne à visage découvert. «Je suis prêt à aller devant un tribunal international.» Les spécialistes regardent ce type qui se consume devant eux. La plupart pensent: «En Algérie, le passé se trafique comme une voiture volée. Dans cette guerre d'intox, de qui est-il la marionnette?» Et lui disent: «Intéressant. On vous rappellera.» Habib est de plus en plus maigre.