Istanbul de notre correspondant
Visage pâle, le front ceint d'un bandeau rouge, symbole du martyre, Zehra Kulaksõz, 22 ans, couchée dans son lit, parle doucement. «En Turquie, pour que les droits de l'homme soient respectés, il faut payer et parfois la facture est lourde. Nous payons par le sang, par la vie.» Hier, elle entamait son 149e jour de la grève de la faim à mort pour soutenir ses camarades dans les prisons. Lundi, elle a perdu, à Izmir, sa soeur Canan, prisonnière politique accusée d'appartenir au DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de la libération populaire, une formation d'extrême gauche interdite). Canan est l'une des quatorze grévistes de la faim décédés depuis dix jours en Turquie. Cinq cents autres, une partie en prison, une autre en dehors, poursuivent le mouvement et, selon l'ordre des médecins, soixante d'entre eux sont à l'article de la mort.
Depuis septembre dernier, les grévistes protestent contre l'entrée en vigueur d'une réforme carcérale qui, avec l'aval du Conseil de l'Europe, vise à abolir les grands dortoirs surpeuplés, propices aux mutineries, et à transférer les détenus vers des prisons de haute sécurité, dotées de petites cellules. Mais leur martyre se déroule dans une totale indifférence en Turquie, comme dans les pays d'Europe qui n'ont toujours pas réagi à l'hécatombe.
A deux pas d'Etiler, le quartier le plus chic d'Istanbul, tout près du second pont sur le Bosphore, Armutlu n'est qu'un bidonville peuplé essentiellement d'alévites, une secte m