Rostov-sur-le-Don
envoyée spéciale
La plupart du temps, il se tient courbé, la tête rase et rougeaude entre les mains, derrière le grillage qui isole le banc des accusés de la salle d'audience. Quand il relève la tête, il baisse les yeux dès qu'il croise un regard. Mais quand vient son tour de s'exprimer, il participe, sommant même le juge de procéder «seulement selon la loi», ou réclamant de témoigner «hors la présence de la presse». Il est difficile de dire laquelle de ces deux images, celle de l'homme effondré ou celle du coq de combat, correspond à la personnalité du colonel Iouri Boudanov, le premier officier supérieur russe à comparaître en justice pour le meurtre d'une jeune Tchétchène.
Au bout de deux mois d'audiences, entrecoupées de fréquentes interruptions, le procès ne suscite plus les passions qu'il avait fait naître lors de son ouverture. Les groupes nationalistes, si bien implantés dans le sud de la Russie, ont replié les banderoles sur lesquelles ils affichaient leur soutien à l'accusé. Les Rostoviens, et avant tout les anciens militaires, continuent toutefois de ressentir une vague sympathie à l'égard d'un homme qu'ils perçoivent comme «une victime de la guerre de Tchétchénie» qui s'éternise et comme un bouc émissaire sacrifié par les autorités russes sur l'autel de leurs bonnes relations avec les nations européennes. Car Boudanov n'est pas le premier militaire russe à avoir commis des crimes en Tchétchénie. Mais il est le seul dont le crime a été entouré d'une