Il y a vingt ans, ils étaient près de 500000 à vivre dans les marais de Mésopotamie, dans le delta du Tigre et de l'Euphrate, au sud de l'Irak. Une population chiite, qui habitait depuis des siècles cette région, se déplaçant en barque, chassant le sanglier d'eau, élevant le buffle, cultivant riz et millet, et construisant des mudhif, ces extraordinaires cathédrales de roseaux tressés. Aujourd'hui, 90 % des 20000 km2 de marais sont asséchés. Et la population dite des «Arabes des marais» a virtuellement disparu. Il resterait au maximum 30 000 habitants dans la région devenue semi-désertique; 95 000 autres se sont réfugiés en Iran, et les 350 000 restants sont dispersés en Irak.
Les malheurs qui frappent cette région étaient en partie connus depuis quelques années, mais deux rapports l'un de l'Unep (Programme des Nations unies pour l'environnement), l'autre de l'ONG Amar (Assisting Marsh Arabs and Refugees) (1) viennent préciser l'ampleur de ce bouleversement écologique et humanitaire. La raison de ce désastre écologique, que l'Unep compare à «la déforestation de l'Amazonie et la disparition de la mer d'Aral», n'a rien de climatique. C'est le résultat de travaux systématiques de barrages et de drainages entrepris par le gouvernement irakien dans les marais de Al-Hammar, de Qurnah et de Al-Hawizeh. Depuis quarante ans, le Tigre et l'Euphrate ont été fragmentés par plus de trente barrages, sans compter la construction de la «Troisième rivière», un énorme canal censé désalinis