Elle vient des montagnes, juste derrière Tizi Ouzou. «C'est mon fils qui m'a ramenée en voiture. Tous les bons fils avaient fait pareil avec leur vieille mère.» Fatiha, 50 ans, s'est mise dans un groupe de dames âgées. «On était que des femmes. On a traversé les rues, toutes en noir. Moi, je n'ai pas crié de slogan parce que je n'ai pas l'habitude. Mais d'autres, oui, comme les étudiantes. Ici, on ne veut pas recommencer à mourir tous les jours. Alors on fait des cortège grandioses.» Hier à Tizi Ouzou, en Kabylie, une manifestation de 10 000 à 20 000 femmes, la première jamais vue, a marché sur la willaya (préfecture). Depuis le 18 avril, où un jeune homme est mort dans la gendarmerie de Beni Douala, la colère s'étend en Kabylie, dont plusieurs régions sont depuis hier isolées du monde, barricades en ville, téléphones et routes coupés. «Mais surtout, des choses inimaginables hier deviennent aujourd'hui possibles», explique une organisatrice, jointe au téléphone comme tous nos interlocuteurs.
Dynamique. Depuis plus d'un mois, ce sont les mêmes slogans qui reviennent, «Pouvoir assassin» ou «Pas de pardon» ; les mêmes banderoles qu'on déploie avec les photos des 60 victimes. Mais, sous ces couleurs, presque chaque jour, c'est un nouveau pan de la Kabylie qui prend le pavé. Désormais, les marches appellent les marches, et il n'est personne qui n'ait fait ou ne prépare la sienne : les avocats, les journalistes, les conseils de village, les enseignants, les femmes (hier), les méde