Ce sont des groupes d'une dizaine de gendarmes, armés de barres de fer, de poignards, qui remontent dans les quartiers populaires de Tizi Ouzou, en Kabylie. «Quelques-uns brandissaient des drapeaux algériens, comme au football», raconte Majib, jeune chômeur de la ville, joint par téléphone, comme tous nos interlocuteurs (1). «Un de mes copains leur a crié: "Nous aussi, on est algériens." Il s'est pris un coup de barre dans le ventre. Cela a été le signal. Ils se sont mis à frapper les gens, à casser les vitrines sur leur passage, balançant des lacrymos sur les balcons. C'était une émeute, mais de gendarmes.»
Alors que la révolte continue de s'étendre en Algérie, s'installant dans l'Est, gagnant le Sud, s'organisant à Alger, repartant de plus belle en Kabylie, les forces armées algériennes ont ostensiblement choisi de gérer la colère par une stratégie de terreur. «Elles font leur raid à Tizi, point de mire de la contestation. Le message est clair: terroriser ceux qui voudraient bouger», raconte un médecin de la ville. «En cassant les voitures garées près de leur caserne, des gendarmes criaient: "Vous vouliez des émeutes? Vous allez en avoir. Vous nous demanderez à genoux d'arrêter."»
Dans la région, tout ce qui convoie les blessés est attaqué, ambulances ou voitures privées. Un autre groupe en uniforme pénètre dans l'hôpital de Tizi, brise des équipements, arrose les chambres de lacrymos. Autour de la ville, à Fréha et à Mekla, le siège du FFS et les commerces, qui refusent de