Les généraux qui détiennent la réalité du pouvoir à Alger n'en sont ni à leurs premières émeutes ni à leur première répression sanglante. La crise qu'ils affrontent depuis plus de deux mois n'en est pas moins sans précédent. Elle l'est par sa durée, qui dépasse le Printemps berbère de 1980 ou les émeutes de la fin des années 80, particulièrement celles d'octobre 1988. Elle l'est plus encore par la profondeur et la radicalité d'une contestation qui va très au-delà de la revendication identitaire généralement accolée à la Kabylie. Dans cette région, comme dans l'est du pays et dans la capitale, on assiste en effet à une insurrection sociale, politique et morale illustrée par le rejet de la hogra, ce mépris, cette injustice dans lesquels les autorités tiennent les Algériens.
Cette dissidence, où toute incartade d'un potentat local peut provoquer une explosion, est entièrement tournée vers les libertés et l'exigence de démocratie. Elle ne peut donc être assimilée à un obscurantisme religieux qui permettrait à l'armée de se présenter, à l'instar de la décennie précédente, comme le «seul rempart contre l'islamisme». L'ampleur du rejet d'un pouvoir militaire, que les Algériens osaient à peine nommer il n'y a pas si longtemps, est tout aussi inédite.
Isolement. Ce rejet s'affiche désormais ouvertement par un slogan «généraux assassins» devenu leitmotiv car il fait référence au soupçon généralisé pesant sur des forces de l'ordre accusées d'être impliquées dans des massacres pendant