Depuis trois ans, c'était devenu «une tradition». Pour commémorer l'assassinat du chanteur Lounès Matoub, le 25 juin 1998, dans la montagne entre Tizi Ouzou et son village natal, «la Kabylie avait instauré un jour férié de révolte», raconte un chômeur de Bejaïa (1). «On crachait du feu, on jetait des cailloux, on criait "pouvoir assassin" et on ramassait des victimes: comme une répétition de ce qui se passe maintenant.» Mais cette année justement, où les émeutes en Kabylie ont déjà fait une centaine de morts en deux mois et gagné du terrain, l'anniversaire de la mort de Lounès fut la journée la plus paisible depuis longtemps. «Comme il faut toujours que cette date soit spéciale, cette année, c'était spécialement tranquille, dit un médecin. On a voulu faire la démonstration que la violence ne venait pas de la population mais du pouvoir.» Le calme. Le mot revient sans cesse, dans les communiqués, les conversations, même durant les enterrements des six gamins, fauchés par les balles des gendarmes à la fin de la semaine dernière, près d'Akbou. Mais «un calme intelligent», dit un associatif.
Hier matin, plusieurs dizaines de milliers de personnes s'avancent dans les rues de Tizi à l'appel de la fondation Lounès Matoub, qui réclame la «vérité et la justice» dans une enquête qui n'eut jamais lieu. Plus que jamais, les morts se mêlent, celui d'hier, ceux d'aujourd'hui, côte à côte dans les banderoles qui proclament: «Gloire à nos martyrs». Au centre-ville, les magasins ont tiré de va