Grand-Béréby, Soubré
envoyée spéciale
Boniface Denné annonce 46 ans mais en paraît dix de plus. De sa po che, il sort une feuille de papier, la déplie. Quelques phra ses dactylographiées attestent qu'il a acheté sept hectares devant deux témoins. Il possède aussi un document des services de l'agriculture: un croquis de l'exploitation, les chiffres de la production de café et de cacao, les revenus tirés. Et puis c'est tout. Après vingt-cinq ans de labeur, ce planteur venu du Burkina Faso, pays pauvre à la frontière nord de la Côte-d'Ivoire, a dû quitter la terre qu'il travaillait dans le sud-ouest du pays. Depuis un an et demi, il vivote à Grand-Béréby, bourgade touristique à quelque 400 kilomètres d'Abidjan. «Le plus dur, c'est de ne rien envoyer à la famille, là-bas.»
En octobre 1999, une querelle entre planteurs burkinabè et ivoiriens dégénère en rixe mortelle, puis en chasse aux étrangers. «Nous n'étions pas mêlés à cette affaire, mais les gens du village nous ont demandé de partir le temps de calmer les esprits, murmure Boniface. On est sorti sans rien emporter, on a tout perdu, certains avaient des boutiques, moi j'avais des moutons. Depuis, on n'a jamais pu y retourner, c'est trop dangereux.» 12 000 de ses compatriotes sont rentrés au Burkina, 5000 attendent toujours en ville, comme lui, que «les choses s'arrangent». A un quart d'heure de route, d'autres «réfugiés» ruminent leur amertume: 500 paysans kroumens (la population autochtone) s'entassent chez leurs parents qui p