Djakarta envoyé spécial
Visage massif, crâne rasé, casquette de base-ball, petits yeux perçants, Mohammad Naufal fait songer à un brigand retors et un peu balourd. Mais les propos du secrétaire général de l'Alliance anticommuniste n'ont rien de comique: «Nous sommes une organisation de guerre. Si vous continuez à créer de l'anarchie, nous vous tuerons.» Trois de ses acolytes, visages fermés et mines patibulaires, approuvent le «chef» en sirotant une orangeade.
«Obsession». «Vous», c'est-à-dire les «communistes», ou plutôt tout ce qui s'en approche: gauchistes, syndicalistes, membres d'ONG protégeant les droits de l'homme... Naufal n'a pas l'habitude de faire dans la dentelle: «Nous avons juste brûlé un livre, nous n'avons pas encore brûlé un homme.» L'alliance qu'il dirige a en effet commencé à faire parler d'elle il y a deux mois en brûlant publiquement les oeuvres de Franz Magnis Suseno, un prêtre exégète des oeuvres de Marx. Puis, Naufal et sa bande ont menacé d'opérer une razzia sur toutes les librairies qui vendaient des «ouvrages à connotation marxiste»: des biographies du Che aux livres du plus grand écrivain contemporain de l'archipel, Pramoedya Ananta Toer. Les libraires ne se le sont pas fait dire deux fois: du jour au lendemain tous les ouvrages sacrilèges ont disparu des rayons.
Communisme? En Indonésie? Il y a trente-cinq ans l'un des massacres les plus effroyables et les plus ignorés de l'histoire contemporaine (entre 500 000 et 1 million de morts) a complètement