Bogota correspondance
On entre dans le Cartucho par la Puerta Azul, deux maisons bleues décrépites, «les portes de l'enfer». Une odeur de décharge flotte dans l'air. Des gamins trient des cartons et du plastique sur un tas d'ordures. L'orage et les canalisations rompues ont, depuis bien longtemps, transformé les rues en bourbier. Sur le côté, un grand container blanc où sont parfois déposés les cadavres des faltones, ceux qui n'honorent pas leur dette ou manquent à leur parole et sont assassinés. Passé le coin du pâté de maisons commence la rue Novena, peuplée par la foule noire des consommateurs de drogues, des vendeurs de babioles volées, des mômes des rues hirsutes, enroulés dans des vieilles couvertures, couchés ou assis dans la boue. Le long des murs rongés par l'eau et la crasse, certains ont construit des abris de tôle où ils s'endorment. Un 4 x 4 rutilant aux vitres teintées descend parfois vers la Novena, voiture de narcos ou de trafiquants d'armes.
Les «jetables». Le Cartucho concentre depuis trente ans tous ceux que les 7 millions d'habitants de la capitale colombienne appellent les desechables de la ville, littéralement les «jetables»: drogués, indigents, gamins abandonnés, petits voleurs, dealers et trafiquants en tout genre. Wilmer fait partie de ceux-là. Il vit ici avec son frère qui ne reconnaît plus personne sous l'effet du basuco, pâte base de cocaïne bourrée d'impuretés qu'il fume dans une pipe bricolée avec une capsule de métal et une paille. Il pose à pein