Belfast envoyé spécial
Ils marchent sous la pluie fine. Des milliers de républicains remontent Falls Road, la grande artère nationaliste de l'ouest de Belfast. Ils marchent comme ils le faisaient il y a vingt ans, porteurs de croix noires et de drapeaux de deuil, pour accompagner en terre, l'un après l'autre, leurs dix prisonniers morts en grève de la faim. Au son des fifres et des tambours, aux images des drapeaux détrempés, en présence de ces mêmes mères poussant leurs landaus bâchés, de ces hommes durs, de ces enfants partout qui défilent au pas des grands, on se dit que rien n'a changé. Que nous voilà figés dans le décor d'hier, que tout empeste les drames à venir. Mais il faut regarder mieux. Avant la trêve de l'IRA, avant les accords d'avril 1998, c'étaient les femmes de prisonniers, toujours, qui ouvraient les parades républicaines. Porteuses de gerbes fleuries, par centaines, elles incarnaient à la fois la tension et l'impasse. Cet après-midi, ces femmes ont disparu. Elles sont retournées à la foule, défilant avec les habitants de leur rue. A la suite des accords du vendredi saint, tous les prisonniers ont été libérés. Et ces femmes sont redevenues anonymes, leurs maris marchant à leurs côtés.
«Coup dur». Si tout a changé, la colère demeure. En ce jour anniversaire célébrant la mémoire de Bobby Sands et de ses camarades grévistes, la population républicaine gronde. Il est 16 heures. Voilà donc exactement seize heures, depuis samedi soir minuit, que les institutions pol