Au-dessus d'une photo de militaires turcs marchant au pas, un gros titre barrait la une: «A quoi sert l'armée?»... Cette dernière n'a guère apprécié cette remise en cause de son poids politique. Le dernier numéro d'Idea Politika, très respectée revue trimestrielle engagée dans la défense de la chose publique, a aussitôt été saisi... Cinq jours plus tard, le 24 septembre, s'ouvrait à Istanbul un procès contre cette même publication pour un article vieux de six mois intitulé «Le coup d'Etat permanent». Le surlendemain, la revue était suspendue sine die sur décision du parquet au prétexte d'une inexacte adresse de publication... De telles atteintes à la liberté d'expression sont tristement banales en Turquie mais elles visent en général des publications kurdes ou islamistes. Les saisies et les procédures judiciaires se sont multipliées depuis les attaques terroristes du 11 septembre à New York et à Washington, profitant du climat sécuritaire général et de l'inattention des opinions publiques européennes.
Grand tabou. «Les autorités restent obsédées par la peur du séparatisme et les atteintes à la laïcité républicaine, mais ce cas est sans précédent depuis des années, car notre revue se situe clairement comme un lieu d'approfondissement du débat démocratique dans la logique d'une future adhésion de la Turquie à l'Union européenne», explique Erol ÷zkoray, directeur d'Idea Politika, qu'il fonda en décembre 1998. Elle vend aujourd'hui 5 000 exemplaires. Dans le comité de rédaction s