Vienne de notre correspondant
Ils s'appellent Gershon Rittermann, Alice Ruff (née Tauber), Herman Wallach, Rachel Gur Arie (née Lola Heschel), Paul Sternfeld, Myriam Wigodsky... Le toit qui les abrite aujourd'hui se trouve le plus souvent aux Etats-Unis, en Angleterre, en Australie ou en Israël. Tous sont juifs, tous sont nés à Vienne dans les années 20, tous ont fui la ville de leur jeunesse en 1938 ou 1939, lorsque les nazis devinrent maîtres du pays. La plupart n'y étaient jamais retournés. Cette année, fin octobre, ils se sont tous retrouvés à parcourir les lieux de leur enfance, à la recherche de traces le plus souvent disparues. «De l'appartement que nous habitions, Waldsteinstrasse 33, dans le 20e arrondissement, je peux vous en décrire tous les détails, explique Alice, l'oeil tout illuminé. Mais de la ville, je ne me souviens plus de rien. Je ne sais pas pourquoi...»
Alice, Gershon, Paul et les autres font partie d'un groupe d'une petite centaine de juifs viennois exilés que la municipalité de Vienne a invités comme elle fait chaque année avec un groupe différent à venir passer une semaine dans leur ville d'origine, après les avoir chassés comme des sous-hommes le 13 mars 1938, date de l'Anschluss («rattachement») de l'Autriche au IIIe Reich (1). Tous frais payés, avec programme touristique, soirée au Heuriger (ces fameuses tavernes en bordure de la ville, où l'on boit le vin nouveau dans une ambiance très familiale), visite de l'ancienne école, recueillement sur l