Tokyo de notre correspondant
Rien de plus difficile à supporter que l'infamie: «Dans le monde entier, Pearl Harbor rime avec fourberie car le Japon a déclaré la guerre après l'attaque. Pour nous, pilotes qui n'en savions rien, cette plaie ne se cicatrisera jamais!» Zenji Abe, vieux monsieur charmant de 85 ans, ne pardonne pas à la diplomatie nippone de l'époque d'avoir porté atteinte à son honneur. Dans son appartement de la banlieue de Tokyo, les souvenirs du 7 décembre 1941 sont omniprésents. Abe-san (monsieur Abe) était, à 25 ans, le plus jeune chef d'escadrille de la seconde vague d'appareils, arrivée au-dessus d'Hawaii une heure après le fameux «Tora, Tora, Tora» (Tigre, Tigre, Tigre) lancé pour ordonner l'assaut. Neuf bombardiers Aichi D3 A1 l'équivalent japonais des Stukas allemands opéraient sous sa responsabilité, avec un pilote et un navigateur chacun. Ballet funeste réglé par des semaines de préparatifs au-dessus de l'île montagneuse du Kyushu, au sud du Japon: «Chacun de nos gestes avait été répété des centaines de fois», se souvient l'ancien cadet de l'école aéronavale nippone, diplômé en 1938 et devenu après-guerre colonel des «Jetai», les forces aériennes d'autodéfense. «Même pendant les trois semaines de mer passées sur le porte-avions Akagi, mes hommes et moi ne pensions qu'au jour J. Nous pouvions désigner de mémoire l'emplacement de tous les bâtiments américains...»
Mémoire. Le ciel d'Hawaii à l'aube, vierge d'avions ennemis. L'escorte protectrice des ch