Buenos Aires
de notre correspondant
Devant le supermarché, ils sont cent cinquante. Des hommes, des femmes, des enfants, sortis de leur bidonville en shorts et sandales, hurlant: «On n'a pas de travail... On a faim!» Face à eux, un cordon de policiers casqués et armés. Soudain, une personne s'élance, puis une autre, puis dix, vingt, cinquante... Elles poussent. Débordés, les policiers n'osent pas intervenir. Les manifestants envahissent le supermarché et, en quelques minutes, le dévalisent. Certains choisissent ce qui assurera leur survie pendant quelques jours. D'autres emportent ce qui leur tombe sous la main. Dans un sac-poubelle déjà bien rempli, un adolescent glisse une bouteille de cidre, pour Noël.
C'était mercredi, à Concordia, dans la province d'Entre Rios. Une ville de 150000 habitants, dont 50000 chômeurs ou sous-employés. Les mêmes scènes diffusées par les télés du pays se sont répétées jeudi à Guaymallén, dans la province de Mendoza, et vendredi, à Rosario. Depuis plusieurs jours, les pillages se sont étendus à la province de Buenos Aires. Hier après-midi, les pilleurs se sont aussi manifestés dans certains quartiers populaires de la capitale, tel celui de Constitucion, près du centre-ville. Affolés, les commercants ont fermé boutique, installant des barricades pour protéger leurs vitrines.
Violents incidents. Parfois, les responsables des magasins préfèrent négocier. «Nous voulons vingt kilos d'aliments par personne», exige un porte-parole des pauvres. «Nous vous e