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Libération

Sous les burqas, l'espoir prudent

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Paroles de femmes à Kaboul, où le nouveau pouvoir s'est installé hier.
publié le 24 décembre 2001 à 2h03

Kaboul envoyée spéciale

Au bureau pour la «réinscription des femmes chassées», qui vient d'ouvrir dans la plupart des administrations afghanes, un groupe de silhouettes maladroites et muettes se bouscule autour d'une table. Ici, toutes celles qui avaient été victimes de l'interdiction de travail, décrétée par les talibans à partir de 1996, peuvent désormais postuler pour reprendre leur emploi. Sur l'unique chaise de la pièce, un homme. Le seul du bureau. De temps en temps, il tape dans ses mains. Le piétinement s'arrête. Reprend plus fort. Toutes ici portent la burqa, ce voile intégral rendu obligatoire par le régime des mollahs. Derrière la petite meurtrière de broderie, qui seule laisse passer un filet de regard, les silhouettes se cognent les unes aux autres, titubent, trébuchent. Une femme tombe. L'homme claque des mains. Il dit: «Beaucoup d'entre elles ont eu confiance pour venir aujourd'hui, à cause de la nomination du nouveau gouvernement, samedi (lire ci-contre).»

«L'humiliation d'être née.» Dans ce Kaboul où elle est née, sur ce chemin qu'elle connaissait par coeur entre son domicile et son travail, Fawzia s'est perdue en allant s'inscrire. «Je ne reconnais plus rien. Sous les talibans, pour aller dans la rue, nous devions être accompagnées d'un homme de la famille. Alors je n'ai plus l'habitude de m'éloigner de ma maison.» D'un coup, elle se met à douter. «Venir jusqu'ici mettre mon nom sur cette liste, n'est-ce pas déjà une folie?» Elle tend ses papiers à l'employé.