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Libération

Les Hazaras persécutés comme leurs bouddhas

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A Bamiyan, l'ethnie chiite témoigne des exactions talibanes jusqu'au dynamitage des deux statues.
publié le 7 janvier 2002 à 21h52

Bamiyan envoyée spéciale

Cette histoire-là se lit gravée dans une falaise jaune que mange un ciel de neige. De chaque côté, s'encadrent d'immenses sarcophages vides, comme deux tombes creusées dans la roche depuis qu'en mars dernier les talibans ont pulvérisé les bouddhas qui s'y dressaient depuis plus de mille cinq cents ans. De ces sculptures géantes, il ne reste aujourd'hui qu'une poussière qui imprègne tout. Et l'écho de l'indignation internationale après leur destruction.

Et puis, dans l'ombre de ces deux disparus, la falaise semble bouger, des mouvements presque imperceptibles dans ce décor démesuré. Quelques cailloux qui roulent. Rien ou presque. Ce sont des hommes. Dans des trous de roche, des grottes, d'anciennes cellules de moines bouddhistes du IVe siècle, se sont réfugiées des dizaines de familles. Les éclopés, les harassés, les perdus sont venus se glisser là, dans la dépouille de deux fantômes que le monde a sacrés martyrs.

Sur une arête rocheuse, quelques hommes se sont accroupis, immobiles, alignés comme des oiseaux sur une branche. Celui-là avait des terres, beaucoup, c'est-à-dire presque un hectare. L'autre, un grand troupeau, quatre vaches. Et le petit barbu sans chaussures possédait deux pièces, avec un poêle dans chacune. Aujourd'hui, certains n'ont plus de doigts, tombés un à un dans la neige, gelés. «Quand j'ai vu la falaise sans les bouddhas, c'est comme s'ils nous avaient coupé le nez. Ils nous ont défigurés», dit l'un. Tous acquiescent. A Bamiyan, capi