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Libération

«Je veux aller à l'école»

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La petite Chinoise de Ningxia proteste contre la fatalité qui interdit aux filles de paysans démunis d'accéder à l'éducation. Sa mère et elle ont brisé le silence en nous confiant un émouvant journal intime.
publié le 11 janvier 2002 à 21h38
Le cri du coeur de Ma Yan, une jeune fille de 14 ans, a bouleversé Zhang Jia Shu, un village isolé de l'ouest misérable de la Chine. «Je veux étudier», a plaidé cette jeune fille en colère auprès de sa mère qui lui annonçait que, faute d'argent, elle ne pourrait plus poursuivre sa scolarité. La révolte de cette adolescente volontaire est celle d'une Chinoise qui veut échapper à la fatalité des filles de paysans démunis: vite retirées de l'école, mariées jeunes, trimant toute leur vie pour élever leur famille. Ma Yan se bat quand tant d'autres ont dû renoncer dans une Chine qui, tournant le dos à l'égalitarisme forcené des années maoïstes, est tombée dans l'excès inverse de l'argent-roi et fait de l'enseignement un privilège dont sont progressivement exclus les plus pauvres.

Le village de Ma Yan est situé dans une zone reculée du sud du Ningxia, une région musulmane semi-désertique de l'ouest de la Chine, frappée de sécheresse chronique et sans doute condamnée à voir sa population émigrer vers des terres plus hospitalières (Libération du 9 août 2001). Les étrangers de passage y sont rares, et, en nous voyant, la mère de Ma Yan tenta de nous faire connaître la détresse de sa fille qui est aussi la sienne. Cette paysanne insista pour nous confier trois petits carnets et une feuille volante; elle était nerveuse comme si sa vie en dépendait. Nous emportâmes les précieux documents sans comprendre immédiatement de quoi il s'agissait.

Un jour, maman m'a dit...

L'écriture appliquée, en caractères chinois, était celle d'un enfant. Les carnets contenaient le journal intime, sur plusieurs mois, d'une écolière, et la feuille séparée résumait le drame qu'elle vivait. «Nous avons une semaine de vacances. Maman me dit: "Mon enfant, j'ai une chose à te dire. Je crains que ce soit la dernière fois que tu ailles à l'école." J'ouvre de grands yeux, la regarde et lui dis: "Comment peux-tu dire une chose pareille? Aujourd'hui, on ne peut pas vivre sans connaissances. Même un paysan a besoin de connaissances pour cultiver sa terre, sinon il n'obtient pas de récoltes." Maman continue: "Tes frères et toi, vous êtes trois à aller à l'école. Seul votre père travaille loin. Ça ne suffit pas pour vous prendre en charge." Je lui demande: "Cela signifie que je