Le village de Ma Yan est situé dans une zone reculée du sud du Ningxia, une région musulmane semi-désertique de l'ouest de la Chine, frappée de sécheresse chronique et sans doute condamnée à voir sa population émigrer vers des terres plus hospitalières (Libération du 9 août 2001). Les étrangers de passage y sont rares, et, en nous voyant, la mère de Ma Yan tenta de nous faire connaître la détresse de sa fille qui est aussi la sienne. Cette paysanne insista pour nous confier trois petits carnets et une feuille volante; elle était nerveuse comme si sa vie en dépendait. Nous emportâmes les précieux documents sans comprendre immédiatement de quoi il s'agissait.
Un jour, maman m'a dit...
L'écriture appliquée, en caractères chinois, était celle d'un enfant. Les carnets contenaient le journal intime, sur plusieurs mois, d'une écolière, et la feuille séparée résumait le drame qu'elle vivait. «Nous avons une semaine de vacances. Maman me dit: "Mon enfant, j'ai une chose à te dire. Je crains que ce soit la dernière fois que tu ailles à l'école." J'ouvre de grands yeux, la regarde et lui dis: "Comment peux-tu dire une chose pareille? Aujourd'hui, on ne peut pas vivre sans connaissances. Même un paysan a besoin de connaissances pour cultiver sa terre, sinon il n'obtient pas de récoltes." Maman continue: "Tes frères et toi, vous êtes trois à aller à l'école. Seul votre père travaille loin. Ça ne suffit pas pour vous prendre en charge." Je lui demande: "Cela signifie que je