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La justice à l'afghane, ou la règle du non-droit

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Juges achetés, absence d'équité: l'argent et la puissance priment dans les us et coutumes judiciaires à Kaboul.
publié le 16 janvier 2002 à 21h42

Kaboul envoyée spéciale

Enfin, on va parler de l'équipe de football de Kaboul. A chaque fois, il y croit, Abdul Saboor Azizi, président des entraîneurs afghans. Avec entrain, il annonce le prochain match, ici même au Stade central. Mais, comme sourds et hypnotisés, les visiteurs s'approchent tous de la pelouse râpée, jaugent les buts aux filets détricotés. Puis demandent: «C'est bien ici qu'on coupait les mains et qu'on pendait les gens?» Alors, résigné, Azizi récite: «L'allée de ce gradin-là était réservée aux seules femmes autorisées dans le stade, l'épouse du condamné et ses amies.»

Institution absente. Traverser Kaboul, c'est forcément, à un moment ou à un autre, buter contre les potences des talibans, tomber sur cette cour de caserne où, durant l'occupation soviétique, 300 hommes jugés opposants par la «cour révolutionnaire» d'alors ont été exécutés en un mois. A ce coin de rue, «pour montrer aux commerçants qu'il faut servir convenablement les soldats», un boucher fut abattu par un commandant moudjahid en 1993, pendant la guerre civile. Mais si le couperet est partout brandi, revendiqué au nom de la politique ou de la religion suivant les régimes successifs, «la justice comme institution n'est nulle part, explique un professeur de droit. Ici, personne ne pense qu'un tribunal sert à établir le droit. C'est un thermomètre pour mesurer les rapports de force, que ce soit entre les gens ou les partis. Et tout le monde se demande aujourd'hui comment le nouveau gouvernement va