Buenos Aires de notre correspondant
Vingt-trois heures, au carrefour des avenues Cabildo et Congreso, dans l'élégant quartier de Belgrano. Mégaphone en main, l'homme, environ 30 ans, tente de mettre de l'ordre: «Nous allons procéder au vote sur les interventions formulées ce soir»: le non-paiement de la dette extérieure et une enquête sur sa légitimité, la nationalisation des banques, la révision des contrats passés avec les entreprises étrangères détenant les services publics, dont les pratiques abusives exaspèrent tout le monde.
Ce lundi, ils sont là depuis trois heures. Une vingtaine d'entre eux ont exercé leurs talents d'orateurs. Un modérateur a lancé le chronomètre pour deux minutes, mais la plupart ont débordé. Ils ne sont pas militants d'un parti. Ils sont venus avec une seule bannière, qui coupe la circulation: «Assemblée populaire Belgrano.»
Tous les soirs. Depuis un mois, cette scène se répète tous les soirs, du lundi au samedi, dans un ou plusieurs quartiers de la ville. Et le dimanche, ils sont près de 5 000 au coeur du Parc Centenario, un immense jardin public, pour la mère de toutes les assemblées, qui réunit des habitants de toute la ville.
De ces assemblées populaires est né le premier cacerolazo («concert de casseroles») d'ampleur nationale, qui, vendredi dernier, a jeté des dizaines de milliers de personnes dans les rues de toutes les grandes villes du pays. Coude à coude, pour la première fois, des piqueteros (chômeurs qui coupent les routes) et la classe moy