Luq envoyé spécial
Farhan a changé d'avis. Vieil adolescent trop tôt barbichu, le jeune homme s'est d'abord présenté comme un ancien membre de l'organisation islamiste somalienne Al-Ittihad al-islamiya (l'Union islamique), mais à présent il ne veut plus en parler. Il a peur. Un peu des Américains, qui considèrent aujourd'hui Al-Ittihad comme un groupe terroriste lié à Al-Qaeda et la Somalie comme une cible potentielle. Il a peur, surtout, des miliciens du Somali National Front, qui administrent aujourd'hui la petite ville de Luq, dans le sud-ouest de la Somalie, après en avoir chassé les islamistes. Alors Farhan raconte sa vie qui, comme celle de tous les Somaliens, bascule en 1991, au début d'une guerre civile qui dure encore aujourd'hui. Pour lui, c'est d'abord la fuite de la capitale, Mogadiscio, et surtout la fin de son rêve d'étudier à l'université.
«La sécurité était bonne». Il évite de parler des années où Luq était le fief des islamistes, de 1992 à 1997, puis il finit par lâcher: «Nous étions heureux avec Al-Ittihad. Ils appliquaient la charia, ils coupaient les mains des voleurs et la sécurité était bonne. On pouvait avoir de l'argent sur soi, même des dollars, sans risquer de se faire voler. Et puis ils enseignaient aux enfants et aux adultes, et ils envoyaient des jeunes poursuivre leurs études dans des pays musulmans.» Depuis, Farhan n'a toujours qu'un désir, aller à l'université, au Pakistan ou au Soudan. Il aimerait aussi étudier aux Etats-Unis, dit-il tout en cr