Genève de notre correspondant
«Le petit oiseau a renversé l'éléphant», savoure Souleymane Guengueng. Victime emblématique de la dictature d'Hissène Habré, cet ex-comptable de formation a toujours rêvé que «la justice arriverait jusqu'au Tchad» et punirait l'ex-tyran, qui ensanglanta le pays pendant ses huit ans de règne (1982-1990). «Tout le monde me prenait pour un fou, mais chacun peut voir que la justice avance maintenant.» Elle est arrivée la semaine dernière à N'Djamena sous la forme du juge belge Daniel Fransen, chargé d'instruire la plainte pour crime contre l'humanité déposée à Bruxelles en 2000 par une trentaine de victimes du régime.
Accompagné de quatre policiers et du substitut du procureur du roi, Philippe Meire, Daniel Fransen a auditionné des dizaines de victimes et même quelques responsables de la sinistre police politique de l'époque, la DDS. Dans un entretien à Libération, peu avant de quitter le pays, Philippe Meire s'est félicité hier de «la coopération des autorités tchadiennes» et du «bilan positif du voyage». Il a cependant estimé «prématurée» l'émission rapide d'un mandat d'arrêt international contre Hissène Habré, réfugié au Sénégal. «Le juge va maintenant analyser tous les documents et toutes les informations qu'il a recueillis, et décidera au vu du dossier.»
Le déplacement du juge a, semble-t-il, modifié l'attitude du gouvernement. Celui-ci n'a jamais demandé au Sénégal d'extrader Hissène Habré, car il répugnait à juger l'ancien dictateur. L'actuel pr