Turin envoyé spécial
Un camarade tient le parapluie pour l'abriter de la pluie froide, elle distribue les tracts appelant à la «grève générale», un débrayage de huit heures, le premier depuis vingt ans qui devrait paralyser toute l'Italie. Par centaines, les ouvriers de l'équipe du matin se ruent vers les grilles de la sortie numéro 2 de Mirafiori, la plus grande usine Fiat de Turin. Un flot pressé, gris, qui court vers les parkings et les bus mais toutes les mains se tendent. A chacun, la jeune déléguée syndicale du département carrosserie répète inlassablement : «Je te le rappelle, c'est mardi.» Un jeune, cheveux ras et décolorés, l'embrasse affectueusement. Les autres, la quarantaine bien sonnée pour la plupart, sont moins expansifs mais s'arrêtent nombreux pour saluer le groupe des syndicalistes. «Les patrons veulent virer les vieux et laisser les jeunes dansÊla précarité», lance un homme avec l'accent sicilien qu'il a gardé même s'il travaille à Turin depuis plus de trente ans, quittant comme des centaines de milliers d'autres la misère du Mezzogiorno (le sud de la péninsule) pour devenir ouvrier sur les chaînes des grandes usines du Nord. Mais, désormais, Fiat n'embauche plus qu'au compte-gouttes. Il y a encore dix ans, 60 000 personnes travaillaient dans ses établissement de la capitale piémontaise. Aujourd'hui, ils sont à peine 24 000 et le nombre de voitures produites dans la «ville-Fiat» diminue année après année. La peur de l'avenir explique aussi la détermination