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Libération

Guerre de la misère en Andalousie

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Les agriculteurs rejettent les saisonniers arabes pour ceux de l'Est.
publié le 26 avril 2002 à 23h11

Huelva envoyé spécial

Le visage fatigué, Mohamed Abdallahi, un Marocain de 29 ans, ne décolère pas. Sous une bâche de plastique qui lui sert de tente, il exhibe une poignée de tomates, de poivrons et de haricots, volés dans une ferme proche : «C'est tout ce qu'on a à manger. On vit comme des animaux ; on dort sur des cartons ; pour se laver, il faut aller chercher l'eau à un kilomètre. Ceux de l'Est nous ont mis au chômage. Nous, on n'a plus qu'à attendre un miracle.» Il montre du doigt les champs voisins, où une dizaine de blondes Polonaises s'échinent à la cueillette des fraises. A ses côtés, Abdelghani Adjaïte, 24 ans, a eu plus de chance : «J'ai enfin trouvé un patron qui embauche des Maghrébins. Mais, pendant deux mois, on m'a envoyé balader. La plupart me disaient : "On veut pas voir de sales Arabes par ici. Fous le camp." L'un d'eux m'a même menacé avec une carabine.»

Bidonville improvisé. Arrivé en février à Huelva ­ sud-ouest de l'Andalousie ­ pour la traditionnelle récolte des fraises (de janvier à juin), Abdelghani a déchanté. Les deux années précédentes, il avait pu travailler tous les jours, les agriculteurs embauchant à tour de bras. Cette fois-ci, malgré des papiers en règle, il s'est heurté à un mur : des immigrants venus de l'Est, des Polonaises et des Roumaines en majorité, avaient déjà pris la place. Cinq mille Maghrébins, selon les ONG, sont restés sur le carreau. Une déconvenue d'autant plus grande que la cueillette de la fraise à Huelva ­ premier producte