Djerba envoyée spéciale
Dans une ruelle bleue de policiers, où flottent au loin des hymnes religieux, Ali, professeur dans un lycée de Djerba, regarde se lever ce qu'il appelle «la très grande confusion». Tandis qu'il y a vingt jours à peine, un attentat-suicide fit 18 morts (dont 12 touristes), le 11 avril à la synagogue de la Ghriba, une des plus anciennes du monde, a lieu cette semaine le pèlerinage où se retrouvent traditionnellement des milliers de juifs. Alors, dans cette île, tout au bout de la Tunisie, vantée pour son calme et ses plages, viennent de surgir entre les palmiers et le casino toutes les frayeurs du moment, Al-Qaeda et les banlieues françaises, Israël et la Palestine, ou la campagne de Le Pen et celle du président tunisien Zine ben Ali.
Exception. Rouge à lèvres grenat. Sac à main sur les genoux. Sous des paupières bleu hôtesse de l'air, deux regards scrutent la cour encore vide de la synagogue de la Ghriba, dans la chaleur de midi. «Quand on vient au pèlerinage, on fait un kif. c'est notre grand événement de l'année.» Annie et Stéphanie, 20 ans, juives de Tunis arrivées en car. «Là-bas, il n'y a rien à faire. Les parents ont peur des mélanges, de tout. Ils ne veulent nous laisser sortir qu'avec des juifs mais il n'y en a presque plus dans la capitale, et des vieux surtout.» Sur une communauté d'environ 120 000 personnes dans le pays après la Seconde Guerre mondiale, il n'en reste pas 2 000. «Au plan historique, nous sommes partis sur rien au sens où il n'y