Ahmedabad envoyé spécial
Le camp de Shah-e-Alam, installé au pied d'une mosquée de la vieille ville, est le triste symbole de la folie meurtrière qui s'est emparée du Gujarat ces deux derniers mois. Sous une gigantesque bâche, 12 000 réfugiés, tous issus de la minorité musulmane, vivent entassés depuis le début du mois de mars dans un univers fait de peur et de désespoir. La plupart ont tout perdu au cours des émeutes : leurs biens, leurs maisons, leurs familles. Deux mois après, rares sont ceux qui parviennent à évoquer les atrocités subies sans éclater en sanglots.
La gorge nouée, Khalik Nur Mohammed, 70 ans, raconte : «La journée avait commencé normalement, nous prenions le thé en famille. Puis, nous avons entendu la rumeur de la foule qui arrivait. Nous avons tenté de fuir, mais nous étions encerclés. Ils étaient des milliers, armés de tridents, de sabres, de bouteilles de gaz et de bidons d'essence. Ce fut un véritable massacre. Ma fille était enceinte, ils l'ont éventrée, puis ils ont jeté le foetus en l'air et l'ont transpercé avec un sabre.» Le vieil homme est incapable d'en dire plus. Il est le seul survivant d'une famille de onze personnes, dont plusieurs enfants en bas âge, tous brûlés vifs sous ses yeux. «Qu'avons-nous fait pour mériter ça ?», demande-t-il en pleurant.
Aujourd'hui, plus de 100 000 musulmans vivent toujours dans des camps de fortune comme celui de Shah-e-Alam. Partout, les histoires témoignent d'un déchaînement de fureur. Meurtres, viols collectifs,