Le jour est levé depuis quelques heures déjà mais le ciel de Saint-Jean reste désespérément sombre. De lourds nuages noirs s'amoncellent au-dessus de l'aéroport de la capitale provinciale de Terre-Neuve, où un vol de surveillance de la patrouille internationale des glaces doit décoller. Dans le hangar qui abrite la douzaine de membres d'équipage, tout en jetant un coup d'oeil sur le vieil Hercules C130 stationné sur le tarmac, le lieutenant Mack confirme que la dépression est sur le point de s'éloigner. Coincée au sol depuis deux jours, la patrouille accueille la nouvelle avec soulagement.
Le briefing a lieu dans l'avion. «Notre mission est de mettre à jour la limite sud de la zone, indique le second-maître Houle. Nous avons deux icebergs à repositionner et une cible à identifier. Un growler (1) a été signalé dans le secteur, on va aller vérifier. Durée prévue du vol : 7 h 59.» Quelques minutes plus tard, à 8 000 pieds d'altitude, la traque aux icebergs commence. Dans ce même secteur, en 1912, 1 038 colosses de glace sont dénombrés. Le 14 avril, l'un d'entre eux envoie le Titanic par le fond en quelques minutes. La tragédie suscite un choc sans précédent et une prise de conscience internationale face à un danger jusque-là sous-estimé. Très vite, la marine américaine met sur pied des patrouilles chargées de signaler la présence d'icebergs dans les Grands Bancs, cette large étendue d'eau peu profonde, très poissonneuse, située à l'est et au sud de Terre-Neuve. En 1914, une douz