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Libération

«Que chacun ose dire ce qu'il a vécu»

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publié le 1er juillet 2002 à 0h15

Leur jeunesse et ses plaisirs avaient un paradis, les Haras de la garde républicaine du Lido à Alger. Là, grâce à l'entregent d'un parent bien placé dans la cavalerie, une petite bande d'étudiants passe des journées entières dans le piétinement des chevaux, la fièvre des compétitions et l'exaltation de frôler les hautes sphères algéroises.

Ce 16 mars 1992, aux Haras du Lido, Lyes Laribi, 25 ans, reconnaît l'éternel Hamid, chef des paddocks, ou encore cet officier qui avait loupé le championnat l'année d'avant. Mais, ce jour-là, ces silhouettes familières poussent des prisonniers par centaines, «bleus de tortures», défigurés par les coups, attendant d'être déportés vers sept camps d'internement du désert algérien. Et Lyes Laribi est parmi eux, effaré de faim et de peur, se battant pour un peu d'eau dans l'abreuvoir des chevaux. Il va passer quatre ans dans le camp d'In M'guel et à la prison militaire de Blida. Entre 1991 et 1995, plus de 15 000 personnes ont ainsi été déportées, sans jugement, sur simple décision arbitraire.

Alors que s'ouvre aujourd'hui le procès en diffamation intenté par le général Nezzar contre Habib Souaïdia (lire page précédente), une nouvelle plainte pour «torture» vient d'être déposée en France contre l'ex-ministre de la Défense par six Algériens, dont Lyes Laribi. Un chassé-croisé judiciaire qui pourrait bouleverser les audiences parisiennes. Lyes témoigne aussi par un livre, Dans les geôles de Nezzar (1), où le récit des supplices est parfois insouten